Dans son récent rapport annuel intitulé DigiWord YearBook 2012, l'institut d'études IDATE fait état d'un « écart croissant entre un secteur des communications électroniques dynamique aux États-Unis et en Asie, et une Europe prenant du retard ». En ce qui concerne la fibre optique (FTTH/FTTB), le rapport fait état à la mi-2011 de 7,4 millions d'abonnés aux États-Unis, 7,3 millions en Europe centrale et de l'Est, 49,5 millions en Asie et seulement 2,9 millions en Europe de l'Ouest.
Quant au très haut débit mobile, le constat n'est guère plus flatteur : « Le retard pris par l’Europe sur le déploiement à grande échelle du LTE et sur la mise à disposition de spectre complémentaire sera difficile à combler. De plus, on note d’importantes différences entre des opérateurs mobiles européens qui investissent moins que leurs homologues aux États-Unis et dans de nombreux pays d’Asie ».
Face à un tel constat, le président de l'Arcep a réagi dans un éditorial publié le 25 mai 2012. Jean-Ludovic Silicani a d'abord tenu à rappeler qu'en Asie, le Japon et la Corée notamment ont développé leurs réseaux très haut débit dans des conditions très différentes de celles rencontrées en Europe. La majorité de la population se concentrant dans ces pays quasi exclusivement dans les grandes villes. Aux États-Unis, le contexte est encore différent. Le président de l'Arcep rappelle qu'un abonnement triple ou quadruple play qui coûte en France entre 30 et 40 € est facturé près du double outre-Atlantique. Cet état de fait aurait conduit à une véritable fracture sociale. Enfin, dernière remarque : « La consolidation du secteur entre un nombre restreint d’acteurs a provoqué une baisse importante des effectifs, d’environ 20 % de 2006 à 2011, contre une augmentation de 3 % en France ».
Une situation différente en Europe
Par ailleurs, Jean-Ludovic Silicani précise que la situation en Europe était très différente selon les pays. Fait que ne conteste d'ailleurs pas le rapport de l'IDATE. En Europe centrale et de l'Est, la majorité des pays est en quelque sorte passée « d'un réseau fixe hétérogène [au] très haut débit, en évitant [...] l'étape du haut débit ». En Europe de l'Ouest, et notamment en France, le mauvais démarrage du très haut débit serait essentiellement dû à l'excellente qualité du réseau haut débit (tant du point de vue des débits que de la couverture des populations) et à son prix très abordable. En France, moins de 1 % de la population dispose encore du bas débit.
Toujours selon le président de l'Arcep, la France pourrait, au sein de la communauté européenne, faire figure d'exemple, car c'est le premier pays de l'Union à avoir bénéficié d'un cadre précis – défini, il s'entend, par l'Arcep – pour le déploiement de la fibre optique. Un cadre semblable a été appliqué pour le très haut débit mobile dans lequel le régulateur a fortement incité les opérateurs à mutualiser leurs réseaux.
Des investissements colossaux
Comme le souligne Jean-Ludovic Silicani, les effectifs de l'économie numérique sont passés en 15 ans de 300 000 à 1 million et le chiffre d'affaires du secteur n'a pas baissé entre 2008 et 2011. Mais pour couvrir les dépenses du développement du très haut débit (que l'Arcep estime à 6 milliards par an), les seules sommes engagées par les opérateurs seront-elles suffisantes ? Pour rappel, Free Mobile, SFR, Orange et Bouygues ont déjà déboursé plus de 3,5 milliards d'euros pour pouvoir utiliser les fréquences 4G. A titre de comparaison, au Japon, ces fréquences n'ont pas fait l'objet d'enchères, mais ont été attribuées gracieusement. Autre exemple, les dépenses destinées à couvrir le développement des infrastructures 4G sont, elles aussi, estimées à plusieurs milliards. Devra-t-on mettre à contribution d'autres acteurs que les opérateurs et les collectivités ? La mutualisation sera-t-elle également nécessaire pour les réseaux mobiles ? L'Arcep va peut-être devoir « resserrer » son cadre.