La licence globale contre une Hadopi « lourde et inutile »



Quand on lui demande ce qu’il pense de l'Hadopi, Xavier Blanc, directeur des affaires juridiques et internationales de la Spedidam (société de perception et de distribution des droits des artistes interprètes), n’y va pas par quatre chemins : « C’est une curiosité qui ne fait que passer. C’est une machine lourde et inutile qui ne sert qu’à envoyer des courriers, rarement des sanctions. C’est surréaliste ! Pire, le résultat est à la fois dérisoire et intrusif. Il faut mettre un terme à cette absurdité. » Son opinion ne fait que se renforcer depuis la nomination du nouveau Gouvernement et la difficulté de lire son projet de poursuivre ou de supprimer cette haute autorité si polémique.

Rendre licite ce qui ne l’est pas

En effet, après avoir fait une campagne qui ne laissait aucune équivoque sur le sort qui sera fait à cette méthode, les premiers pas gouvernementaux sur le sujet troublent un peu les esprits. Rappelons qu’en décembre 2011, Aurélie Filipetti promettait l’abrogation pure et simple de la loi dans un entretien au Monde que nous avons relayé. Verbatim : « Moi, je veux supprimer Hadopi, oui. Ne nous trompons pas : le numérique est une aubaine, il va nous permettre de multiplier les formes artistiques et leur consommation. Il faut sortir d'une vision malthusienne et mettre fin au modèle répressif. » Elle a confirmé sa vision dès après sa nomination en déclarant que « ce système des sanctions est inefficace et négatif ». Aux dernières nouvelles, il n’est plus question de suppression, mais de concertation ce qui, en langage diplomatique, peut vouloir dire beaucoup de choses. Laissons à la ministre le soin de clarifier sa position.
En attendant, la Spedidam voit dans cette confusion une manière de revenir sur la licence globale dont elle a en partie conçu le concept et a été l’un des plus farouches partisans. Et, pour Xavier Blanc, elle reste la meilleure solution pour une partie du problème : « Beaucoup de choses ont été dites sur la licence globale qui est devenue, comme Hadopi, un débat politique. Je rappelle qu’elle concerne exclusivement l’exploitation non commerciale d’une création afin de la rendre licite à l’inverse de l'Hadopi qui veut faire payer ce qui a été obtenu de manière illicite. » Le spécialiste prévient aussi que les partisans de la licence globale s’en sont pris« plein la figure sur le sujet, mais on n’abandonnera pas. » Pour la Spedidam, seule la licence globale peut à la fois conduire à la normalisation des échanges non commerciaux réclamée par les indépendants et les sociétés d’auteurs.

Couvrir l’ensemble de l’Europe

Sur ce sujet, l’organisation de perception des droits pour les artistes-interprètes ne fait pas l’unanimité, mais n’est pas seule. Dans un rapport daté du 29 mai 2012, la fondation Jean- Jaurès, proche du Parti socialiste, porte un jugement sans nuance sur l'Hadopi : « Son bilan n’est pas satisfaisant. Certes, le volet répressif est appliqué avec un zèle mesuré puisqu’aucune suspension d’abonnement n’a été prononcée à ce jour. Il reste que la haute autorité coûte 11 millions d’euros par an à l’Etat auxquels s’ajoutent les sommes versées par les sociétés de gestion collective pour le repérage des fichiers illicites. Le dispositif aurait permis de percevoir 14 millions d’euros de droits supplémentaires. Au mieux, il est neutre ; au pire, il a différé la réflexion de fond. Beaucoup de bruit pour rien, donc, puisque les droits issus de l’Internet ne compensent pas, loin s’en faut, les pertes réalisées sur les supports matériels ». Ainsi, le cap doit être mis vers la licence globale. « Elle créerait un droit positif d’usage hors de tout contexte commercial qui sécuriserait les utilisateurs dans leurs échanges privés, sans faire obstacle au maintien du droit actuel pour les usages commerciaux ».
Toutefois, pour être efficace, cette mesure ne peut se limiter aux frontières de l’Hexagone, mais couvrir l’ensemble de l’Europe. Et, pour cela, la fondation demande à ce que cesse la riposte graduée et donc Hadopi, et aussi qu’Acta, le traité anti-contrefaçon, ne soit pas ratifié. Consciente de l’enjeu et de la puissance des opposants à ce principe, elle prévient qu’il « s’agit donc d’une œuvre de longue haleine ». D’autant qu’il faudra aussi définir un tarif, créer un système de collecte pour confier aux organismes de gestion collective le soin de la répartition des droits.
Malgré sa ténacité, Xavier Blanc est également conscient de la difficulté de faire accepter cette méthode. « L’industrie n’a pas d’intérêt à ce que ce débat aboutisse. Et, il faut le dire, le camp des hadopistes est uni, ce qui n’est pas le cas de ses opposants. Nous sommes dans un bus qui va droit dans le mur, mais le vrai problème est que c’est Pascal Nègre [PDG d'Universal Music France, NDLR] qui est aux commandes. » À moins que les internautes préfèrent se contenter de cette mesure répressive, qui jusqu'à présent, s’est contenté d’envoyer des courriers sans jamais sanctionner personne. Certains osent même un bon mot :« Avec Hadopi, tout est permis ». Mais est-ce une si bonne chose pour la création ?

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